lundi 30 juin 2014

Space Shuttle

Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été un gros joueur. De tout type de jeux bien sur, mais années 90' oblige, j'étais comme beaucoup de ma génération tout spécialement motivé par les jeux vidéos. 
De mon premier ATARI à des consoles plus récentes, en passant par la Game Boy et la Dreamcast, j'enchainais des dizaines et des dizaines d'heures de jeux. 
A l'époque ils étaient assez chers, l'offre d'occasion un peu moins développé, le marché en lui-même n'était pas saturé et gardait une bonne marge de manoeuvre en termes de sorties.

Du coup on prenait vraiment le temps de profiter du titre. On le complétait à 100%, parce que c'était marrant et/ou par challenge. Pas parce qu'il y avait une liste d'achievements inutiles simplement destinés à rallonger la durée de vie du jeu. 


Avec l'âge et le temps qui passe, on a forcement moins le temps de jouer. Là dessus, je pense que je n'apprendrais rien à personne.
Moins de temps, mais aussi un marché du JV qui a littéralement explosé. L'offre s'est élargit de manière exponentielle : les consoles ont un délai de plus en plus cours entre chaque génération, les grosses productions à rallonge qui s'enchainent, mais aussi les jeux indé qui proposent un choix gigantesque de jeux de très bonnes qualités à prix réduits, et le tout en dématérialisé. On peut même jouer gratuitement, avec une pléthore de Free-to-play, dont le but est d'abord d'accaparer notre temps avant notre porte-monnaie. Et puis les jeux qui n'ont pas de fins car ils donnent lieu à des matchs virtuels, tous les MOBA, tous les FPS type Arena, les jeux de cartes comme Hearthstone, ou encore les univers persistants et ses légions de MMORPG, dans lesquels le jeu continue tant que subsiste notre envie de jouer (et l'argent sur notre compte en banque.)

Quand on est gamer, il est parfois difficile de se restreindre. On aimerait tout tester, jouer aux mêmes jeux que les potes, finir quelques oldies conserver dans un coin du bureau (virtuel ou non), terminé ce jeu qu'on a jamais prit le temps de faire, profiter du dernier blockbuster à peine sortit avant que tout le contenu ne soit étalé sur le net. 
Si en plus vous utilisez STEAM, les périodes de soldes sont propices à acheter des packs et bundles contenant jusqu'à plusieurs dizaines de jeux., de quoi stocker pour les 3 prochains hivers ! 



Il n'y a pas si longtemps, j'ai fait quelques bornes avec un pote dans sa nouvelle voiture. Je m'étonnais que malgré son changement de voiture, il avait décidé de conserver son vieux lecteur CD.

Il faut dire que c'est un puriste du CD. Il me répondit que ses trajets en bagnole constituaient le meilleur moment pour écouter de nouveaux albums. L'oreille est plus disponible que s'il était occupé à des taches qui sollicitent l'attention. 

Il est difficile d'écouter un CD, surtout la première fois, en travaillant, en surfant sur internet ou en faisant tout autre chose.Cela vous est sans doute déjà arrivé de jouer un morceau sur votre PC, puis d'avoir l'impression de le relancer une deuxième fois immédiatement car il est déjà terminé. Vous ne l'avez pas entendu, ou plutôt pas écouté.

Bien sur la conduite nécessite de l'attention, mais l'ouïe n'est pas le premier sens sollicité. On peut conduire prudemment tout en se laissant porter par la musique.

Ce qu'il me disait me parlait totalement. J'avais déjà eu ce ressenti à l'époque.



Il y a 5 ans de ça, j'étais dans une situation plutôt posée, que les gens normaux qualifient généralement de "stable" ou "confortable". Je faisais mes 8h de travail par jour dans une boite informatique, je rentrais chez moi : l'appart, la copine, le chat, le PC...

Le détail amusant, c'est que j'avais environ 15 minutes de route pour rentrer. 

Seul dans ma voiture, libéré de la routine du boulot, j'avais enfin un peu de temps et d'espace pour réfléchir à l'avenir. Reprendre contacts avec de vieilles connaissances, donner des nouvelles, organiser de nouveaux trucs, changer de boulot, partir, voyager, etc...

Puis j'arrivais chez moi, et comme je rentrais dans mon appartement, je rentrais dans ma seconde routine. La vie familiale, le diner, les courriers... et naturellement un peu de temps libre aussi, que l'on pourrait consacré à tous les beaux projets auxquels on a pensé sur le chemin du retour. 
Mais finalement non, parce que "De toute façon ça peut attendre, je suis crevé, j'ai envie de m'amuser un peu, de me changer les idées".

Et quand on est un gamer, on passe forcément pas mal de temps sur les jeux vidéos. A peine quelques heures par soir, il fallait un peu d'organisation pour rentabiliser le temps de loisir.
Je triais donc mes jeux pour déterminer dans quel ordre les faire. Je me forçais parfois à en continuer un, même si je n'avais pas envie d'y jouer, pour parvenir à le finir rapidement. Essayer un autre jeu c'était le risque de ne plus revenir au précédent, et donc de le laisser inachevé, gâchant ainsi le temps précédemment investit. Je passais également du temps sur d'autres jeux qui octroyaient des bonus journaliers ou des missions quotidiennes. 



Jouer était devenu une contrainte.
Ma liste de jeux s'était transformée en une pile de dossiers à traiter.
J'avais glissé du bureau de mon entreprise au bureau de mon salon, toujours assis, toujours devant un écran, toujours à essayer d'allez le plus vite possible.

Venait finalement l'heure de dormir, avant de repartir le lendemain vers une nouvelle journée de labeur. Au final la sensation de fatigue et de routine ne s'estompait jamais, et c'était franchement usant. 
Heureusement il y avait le week-end. Hormis quelques interactions sociales, je pourrais avoir plus de temps pour m'avancer sur mes jeux. Chouette.


Avec le recul je peut dire sincèrement que ces moments passés dans ma voiture au retour du travail constituaient ma seule réelle bulle d'air.

Ces petits quarts d'heure où ma titine se transformait en une petite navette interstellaire, naviguant
entre deux mondes dans la nuit intersidérale.

Un instant où je PEUT penser librement, coincer dans cet itinéraire incompressible d'où je peut contempler mes vies en cours, sans être englué dans une routine qui nous dissous le cerveau.

Une petite bouffée d'oxygène dans l'espace que j'inspire à pleins poumons, tandis que le décor semble défilé au ralentit autour de moi, et que je prends conscience d'une évidence : je suis en vie et j'ai envie de me bouger.


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